Juridique

Motifs de licenciement : les fautes qui peuvent justifier une rupture de contrat

Un salarié licencié pour « retard chronique » peut parfois gagner aux prud’hommes. La loi encadre strictement les motifs de rupture du contrat de travail, mais certains employeurs s’aventurent encore sur des terrains glissants. Face à un licenciement, tout se joue sur la justification : faute caractérisée, absence de résultats, impact sur l’organisation, chaque détail compte. Pourtant, nombre de décisions sont retoquées, preuve que tous les motifs ne se valent pas.

Au fil du temps, la séparation entre cause réelle et sérieuse, faute manifeste et motif contestable s’est précisée. Mais dans les faits, la frontière reste mouvante : un licenciement qui semble justifié à l’un peut être jugé abusif par les prud’hommes. Lorsque la procédure déraille ou que le motif ne tient pas la route, des recours existent et la justice ne manque pas de les rappeler.

Comprendre les différents types de licenciement et leurs justifications légales

Le licenciement, c’est l’acte par lequel l’employeur met fin au contrat de travail pour une « raison valable », sous le contrôle strict du code du travail. Cette « bonne raison », la fameuse cause réelle et sérieuse, peut être personnelle ou économique, et selon le cas, la marche à suivre diffère.

Lorsqu’il s’agit d’un licenciement pour motif personnel, deux grands axes se distinguent. D’abord, le licenciement disciplinaire, qui sanctionne une faute imputable au salarié. Ce type de licenciement prend plusieurs formes :

  • faute simple : une erreur ou un comportement qui ne remet pas en cause la poursuite du contrat, mais justifie une sanction ;
  • faute grave : le salarié adopte une attitude incompatible avec le maintien dans l’entreprise, le départ est immédiat, sans indemnité ni préavis ;
  • faute lourde : ici, la volonté de nuire à l’employeur est établie.

Phénomène marquant, l’abandon de poste s’est imposé comme le motif phare des licenciements disciplinaires en 2025. Selon la Dares, il représentait déjà 70 % des cas dans le secteur privé début 2022. Depuis la loi du 21 décembre 2022, l’employeur peut présumer une démission, réduisant ainsi la marge de manœuvre du salarié absent.

Autre registre : le motif personnel non disciplinaire. Il vise essentiellement l’insuffisance professionnelle. Ici, pas de faute à proprement parler, mais une inadéquation persistante entre les attentes de l’employeur et les aptitudes du salarié. L’entreprise doit démontrer que le collaborateur, même accompagné et formé, ne parvient pas à remplir ses missions.

Sur un autre terrain, le licenciement économique répond à des enjeux différents : suppression ou transformation de poste, difficultés économiques, avancées technologiques ou réorganisation interne. L’employeur doit prouver la réalité de ces difficultés et, dans le cas d’un plan collectif, mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi. Le processus est strict, avec des obligations de reclassement et une hiérarchie à respecter dans les départs.

Le regard change d’un pays à l’autre. En Belgique, le licenciement peut être fondé sur une faute, une inaptitude ou un motif économique. En Suisse, l’employeur dispose d’une grande liberté, sous réserve du respect d’un préavis. L’Allemagne, quant à elle, distingue aussi ces types de licenciements, tout en imposant des procédures rigoureuses et une protection accrue contre l’arbitraire.

Licenciement abusif ou valable : comment distinguer les motifs recevables des motifs contestables ?

La validité d’un licenciement ne se décrète pas à l’instinct : elle se fonde sur le droit. La règle : toute rupture du contrat doit reposer sur un motif objectif, démontrable, et suffisamment sérieux pour justifier l’éviction du salarié. Les juges, régulièrement saisis, examinent la véracité des faits et leur ampleur.

Un licenciement pour faute grave suppose des agissements rendant intenable la poursuite de la collaboration : vol, insubordination persistante, violences. D’après la Dares, ces comportements représentent 27 % des licenciements pour faute grave ou lourde. L’abandon de poste, soit l’absence injustifiée et prolongée, reste le motif disciplinaire le plus invoqué en 2025.

À l’opposé, certains motifs se heurtent à la censure. L’insuffisance professionnelle, par exemple, ne peut être retenue que si l’entreprise a tenté d’accompagner et de former le salarié. Une simple mésentente ne suffit pas, sauf si elle déstabilise vraiment l’équipe et que toute médiation a échoué. Autre exigence : la lettre de licenciement doit indiquer précisément les faits reprochés, sans quoi le licenciement peut être annulé.

Des motifs sont systématiquement écartés : licenciement fondé sur la vie privée, les convictions religieuses, la participation à une grève ou la dénonciation d’un harcèlement. La jurisprudence rappelle que le respect des droits fondamentaux prime. Aucune rupture de contrat ne peut se justifier par la volonté de restreindre la liberté d’expression ou d’atteindre aux droits du salarié.

Jeune femme quittant son bureau avec carton de départ

Vos droits après un licenciement et les démarches pour faire valoir un recours

Un licenciement, c’est aussi le déclenchement de droits pour le salarié. Après réception de la lettre de licenciement, il convient de vérifier, étape par étape, la régularité de la procédure : convocation à l’entretien préalable, notification écrite, respect du préavis. Si la rupture s’appuie sur une faute grave, l’indemnité de licenciement et celle du préavis disparaissent, mais l’assurance chômage reste accessible. Pour une faute simple, les indemnités habituelles (y compris la compensatrice de congés payés) sont dues.

Voici les distinctions selon le motif du licenciement :

  • En cas de faute grave, le salarié ne perçoit ni indemnité légale ni préavis, mais conserve ses droits à France Travail.
  • Pour insuffisance professionnelle ou licenciement économique, l’indemnité légale de licenciement s’applique dès huit mois d’ancienneté.

Pour contester un licenciement jugé injustifié ou entaché d’irrégularité, le conseil de prud’hommes est l’interlocuteur incontournable. La saisine doit intervenir dans l’année qui suit la notification du licenciement. Pour préparer sa défense, il est utile de rassembler contrats, correspondances et tout élément pouvant étayer le dossier. Être accompagné par un représentant syndical, un avocat, ou un conseiller du salarié peut faire la différence.

L’inscription à France Travail déclenche l’ouverture des droits à l’assurance chômage. Que le licenciement soit pour faute grave ou non, le salarié peut bénéficier d’une indemnisation, selon les conditions d’ancienneté et les droits acquis.

Le droit du travail trace une frontière nette entre séparation légitime et abus. Mais sur le terrain, chaque dossier raconte une histoire unique, où les faits, les preuves et le respect des procédures font toute la différence. La vigilance s’impose, car derrière chaque lettre de licenciement, c’est parfois une carrière qui bascule, ou qui rebondit, selon la façon dont chacun fait valoir ses droits.